Cette année, l’un des thèmes proposés par le FEFFS était « parasites ». Le film matrice du genre était proposé aux spectateurs : L’invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel (1956).
Le pitch est simple : durant les années 1950, dans une petite ville américaine, un médecin comprend que les habitants se transforment. Dénués d’émotion, ils semblent ne plus être eux-mêmes. Ce médecin, joué par l’excellent Kévin MacCarthy, va devoir faire face à cette situation angoissante.
Le réalisateur est un vieux de la vieille de la série B. Né en 1912, Don Siegel démarre sa carrière de réalisateur en 1945 avec Star in the nights (Une étoile dans la nuit) après avoir travaillé au montage chez Warner depuis 1933. Il aura toujours la réputation de faire des œuvres à la mise en scène efficace, de diriger les acteurs parfaitement et de respecter les modestes budgets qui lui sont alloués.
Pour le film proposé, le réalisateur vérifie tous ces éléments. 1h20 qui file à toute allure. Le rythme devient de plus en plus effréné après la présentation de cette ville où l’American way of life est de mise durant ces années 1950, période de croissance économique et de modèle social pour le monde entier. Au fur et à mesure que l’on avance, le médecin se retrouve esseulé face à ce gigantesque complot où la population est remplacée par des cosses géantes d’où naissent des humains sans âme. La mise en scène est impeccable, avec une utilisation de la lumière et de l’obscurité pour cacher ces transformations qui ont lieu la plupart du temps hors champ. La caméra est très mobile afin de suivre l’agitation incessante du médecin mais également fixe avec des plans décadrés pour faire comprendre l’horreur de la situation dans cette petite ville bien tranquille en toute apparence.
Kévin MacCarthy est vraiment parfait dans ce rôle de médecin isolé du reste de la communauté urbaine. Calme et tranquille au départ, il va s’agiter et tout faire pour échapper au destin funèbre de tous les habitants de cette petite ville. Le spectateur suit ses faits et gestes et se trouve coi face à la découverte à travers ses yeux de la distribution de cosses géantes sur une place publique. Ce médecin n’est pas fou et a bien saisi les enjeux de cette situation catastrophique.
Cet American way of life est bien égratigné par ce film où l’identité et la sécurité sont remises en question. Qui est mon voisin ? Mon quartier est-il si tranquille que cela ? Ce film propose une fin intéressante et en lien avec son époque : le médecin arrive à prévenir à temps la police et sur un dernier plan rapproché, on le voit soulagé – tout comme le spectateur. Une fin plutôt positive pour un film qui remet en question un modèle économique et social créé après la seconde guerre mondiale : c’est normal, nous sommes dans les années 1950 où tous les espoirs sont permis. La fin du remake de Philip Kaufman en 1978 est bien différente du film matrice. Elle est pessimiste et caractérise une époque qui a perdu toutes ses illusions.
Deuxième film vu dans cette rétrospective, The thing fait partie des classiques des films d’horreur. Remake de La chose venue d’un autre monde d’Howard Hawks et Christian Nyby (1951) – film très ancré dans un contexte de guerre froide et davantage que L’invasion des profanateurs de sépultures, The thing sort sur les écrans en 1982 et sera un échec pour John Carpenter. Et pourtant quel chef-d’œuvre !
Tourné à la fin de la guerre froide, le réalisateur propose ici un deuxième opus sur la mal absolu après Assaut – la dernière partie de la trilogie du mal étant Le prince des ténèbres, sorti en 1987.
Un hélicoptère pourchasse un husky à travers le paysage de l’antarctique. Ce chien est recueilli par les membres d’une autre base et c’est par cet animal que débute une étrange infection.
La musique minimaliste d’Ennio Morricone annonce la couleur pour ce film effrayant : la tristesse et la mélancolie qui s’en dégagent laissent peu de place à de l’espoir. Les membres de cette équipe vont traquer un extraterrestre polymorphe qui s’adapte à toute forme de vie. La transformation du chien et la première confrontation à cette chose stupéfient les acteurs et les spectateurs. On ne sait pas à quoi on fait face et John Carpenter, après avoir posé les choses, va pouvoir jouer avec les personnages et les spectateur.
La grande force du film est la place du hors champ. Une idée toute simple pour ne pas épuiser Rick Bottin dont le travail sur le film restera une référence pendant de longues années mais surtout pour accentuer la tension tout au long du film. La question de l’autre, de l’identité est au cœur du film et le fait d’utiliser le hors champ permet de mettre un doute sur chacun des personnages présent dans la base scientifique. L’invasion des profanateurs de sépultures est évidemment une référence de ce film mais John Carpenter va plus loin car lui s’inspire de Hawks et d’une réflexion sur la communauté de manière générale : comment les membres de cette base vont pouvoir se débrouiller face à ce danger inédit ?
Le montage va augmenter la tension dans ce lieu que la caméra de John Carpenter va arpenter dans tous les recoins pour nous donner des indices et pour que l’on s’identifie à ces scientifiques menacés. Tout ce système est efficace car les quelques scènes de transformation ont toujours le même effet de sidération sur le spectateur trente ans après environ.
La scène des électrochocs reste toujours aussi incroyable. Un scientifique est retrouvé inanimé et ses collègues veulent le réanimer. Au moment de poser les électrochocs, une gueule monstrueuse s’ouvre et dévore les mains du malheureux scientifique. Kurt Russell utilise son lance-flammes pour détruire ce monstre issu des rêves les plus étranges du réalisateur et certainement des tableaux de Jérôme Bosch. Une fois brûlé, le monstre semble vaincu. Il n’en est rien ! La tête se détache du reste du corps, tombe par terre et se transforme en araignée. Kurt Russell va le brûler mais le combat semble vain. Cette scène résume le pessimisme du film annoncé par la musique très sombre d’Ennio Morricone.
Deux films de parasites essentiels dans la vie d’un cinéphile, à voir et à revoir tant ces œuvres sont anxiogènes à souhait !