Alors que sort son dernier film La nuit des horloges, il faut remonter à 2002 pour le précédent opus signé du maître français du fantastique gothique. Le réalisateur fait de la résistance. Il se fout plutôt des modes et n’a pas honte de nous resservir une énième fois un Dracula! Son cinéma est hors de tout et hors du temps plus particulièrement.
C’est aussi un des rares à écrire des dialogues soignés et poétiques qui offrent toujours un décalage que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Si l’on parvient à dépasser l’apparente naïveté du dialogue récité, on constatera que le monde de Rollin tient plus de la littérature que du cinéma moderne. On voit en effet, que l’auteur pense tout d’abord à son récit et à la narration avant de s’attaquer à la réalisation proprement dite.
Même si La fiancée de Dracula a eu quelque écho médiatique lors de sa petite sortie en salles, Jean Rollin reste ignoré en France et fait toujours l’objet d’un culte aux USA.
Le film nous est conté sous forme d’enquête. Deux hommes (un professeur extralucide et son assistant) cherchent le mystérieux « maître », chef des parallèles, les habitants d’un univers souterrain. Pour se faire, les deux enquêteurs croisent la route de nombreux personnages loufoques dont seul Rollin à le secret. Ils vont notamment se retrouver dans un couvent, sur la trace d’Isabelle, une femme recueillie par la mère supérieure et qui depuis, contamine les autres nonnes avec sa folie. La séquence du monastère est donc un grand moment d’anthologie où les religieuses ont toutes des comportements complètement fous : il y a une adepte du bilboquet, deux fumeuses (cigare et pipe!), certaines s’adonnent à quelques plaisirs saphiques. Bref, on ne s’y ennuie pas.
Ces scènes humoristiques font ensuite place à une ambiance plus « grand guignol » lors d’une cérémonie aux accents sataniques. Isabelle doit en effet rencontrer le maître pour voir s’il l’accepte ou non. Pour cela, il faut un ou deux sacrifices de nonnes, mais cela requiert aussi la présence d’une maîtresse de cérémonie, jouée par Brigitte Lahaie. Les fans (et je sais qu’ils sont nombreux!) apprécieront cette apparition…
Jean Rollin est aussi un amoureux d’ambiance macabre. Il aime à se promener dans les cimetière comme d’autres feraient du lèche-vitrine. Il plante souvent sa caméra dans des vestiges moyenâgeux, donnant à ses films un cachet désuet très charmant, en totale adéquation avec le sujet (vampirisme et cérémonies sacrificielles d‘un autre temps).
Enfin, il faut bien signaler que l’érotisme est toujours aussi présent dans cette oeuvre. Il s’agit d’un vrai érotisme où l’on montre juste ce qu’il faut, et où le spectateur est obligé de deviner et d’imaginer.
Jean Rollin a donc su rester en dehors de toutes les modes qui régissent le cinéma actuel. Son film reste intemporel et imprime quelques images marquantes dans notre esprit. La femme blafarde attachée à la proue d’un navire, la religieuse qui prend son propre cœur dans la main, la louve, et bien d’autres personnages étranges.